Les consommateurs de secours
Une fois n'est pas coutume, je reprends in extenso un article paru ce jour dans Mer et Marine, un site journal de la mer et de ce qui s'y passe.
J'ai souvent été frappé par la propension - qui se développe chez de beaucoup de gens - à considérer les bénévoles comme des "larbins". Je l'ai vécue en en tant que bénévole dans un club de sport ou dans le comité des fêtes de ma commune, en tant qu'élu dans un conseil municipal, et là je trouve un exemple mille fois plus désolant.
Il me semble que notre société se complait à promouvoir et à marteler dans la tête des gens des valeurs de plus en plus individualistes, égoistes et stupides. Pourquoi stupides, parce que génératrices d'un cercle vicieux qui fait que chacun se replie sur lui-même, se plaît à imaginer être meilleur que les autres, à valoir plus (dans le sens vénal y compris), et ce faisant, à devenir petit à petit d'autant plus manipulable.
Cette stupidité n'est pas perdue pour tout le monde... l'absence de solidarité et la grande tentation de consommer tout et n'importe quoi permettent à certains de tirer leur épingle du jeu. C'est le grand slogan de l'entreprise privée triomphante qui fait tout mieux que le service public, et que le bénévolat, qui se profile.
Allons donc, je souhaite à tous ces gens qui emmerdent les bénévoles de la SNSM de se retrouver dans la situation de payer le même service réalisé par une "world company". Ils comprendront peut-être alors quelque chose de leur existence.
« C'est le monde à l'envers ». A la Société
Nationale de Sauvetage en Mer, de nombreux bénévoles ne cachent pas
leur émotion après les poursuites lancées contre l'institution. En
Bretagne et dans le Midi, trois procès ont été intentés contre la SNSM,
a-t-on appris auprès de l'association, dont les bénévoles assurent
depuis des décennies le sauvetage au large des côtes françaises. Dans
ces affaires, des plaisanciers, et visiblement leurs assurances,
reprochent aux sauveteurs les dégâts occasionnés sur leurs bateaux. Les
coques auraient, en effet, été « esquintées » lors d'opérations de
remorquage consécutives à un appel de détresse. Si le remorquage des
bateaux en difficulté ne fait pas partie des missions de la SNSM, qui
sauve d'abord des vies, les sauveteurs acceptent la plupart du temps de
ramener les bateaux des « naufragés ». Le remorquage n'est, toutefois,
pas gratuit, les plaisanciers devant s'acquitter des frais en
combustible nécessaires à l'opération. Jusqu'ici, aucun souci notable
n'avait été rencontré. Mais, avec le développement considérable des
loisirs nautiques, de nouveaux problèmes apparaissent avec l'arrivée
d'un nouveau public, peu sensible aux dangers du milieu marin et aux
risques pris par les sauveteurs. Dans son rapport annuel, la préfecture
maritime de la Méditerranée évoque une population « consommatrice de
secours ».
Les bénévoles veulent bien risquer leur vie mais pas se retrouver au tribunal
Pour la Préfecture, cette population est « souvent ignorante des choses
de la mer. Inexpérimentée et peu autonome, cette population, à
l'origine de nombreuses opérations de sauvetage, développe une certaine
forme d'assistanat et les opérations d'assistance sont le plus souvent
déclenchées en vue de prévenir un danger prévisible ». A l'image des
autres modes de consommation, le sauvetage devient perçu comme un
service intégré au sein d'un espace de loisir. Et en la matière,
l'usager réclame des résultats, certains n'hésitant plus à se plaindre.
Dans ce contexte, la SNSM doit, désormais, composer avec les risques
juridiques. Après le déclenchement des procédures en Bretagne et dans
le Midi, le trouble a gagné certaines stations. « Certains sauveteurs
ont menacé de ne plus sortir si c'était pour risquer un procès. Les
bénévoles veulent bien risquer leur vie mais ils n'y vont pas pour être
attaqués en justice », explique-t-on au siège de l'association.
Face
à cette problématique, la SNSM a entrepris, dans le cadre de son plan
Cap 2020, d'instaurer une commission juridique. « Bien que la plupart
des personnes secourues sont très reconnaissantes et offriraient la
lune aux sauveteurs, il faut prendre ce problème en compte. Les
bénévoles doivent se sentir soutenus car, autrement, ce sera la
disparition du système ».
Comptant 3500 bénévoles répartis dans
232 stations, la SNSM assure plus de 50% du sauvetage en mer en France
et réalise, chaque année, quelques 10.000 interventions. Ses bénévoles
sauvent, en moyenne, 600 personnes d'une mort certaine.